Elle avait traversé le sable déjà trois fois, elle avait vu l’immensité du désert se dresser devant-elle, et voilà que Lyra revenait là-bas, là où elle n’était pas allée depuis bien longtemps. Elle avait parfois honte, Lyra, car en tant qu’adoratrice, elle se contentait plutôt des artefacts d’Amsel qui se situaient dans la ville ou dans sa périphérie, mais non : aujourd’hui, Lyra voulait aller loin, Lyra voulait aller seule, Lyra voulait aller voir son héros de ses propres yeux – bien qu’en statue de pierre. Mais Lyra savait qu’elle serait toujours impressionnée par la beauté du spectacle, car la beauté d’Amsel ne trompe pas. Non, Lyra n’était pas seulement séduite par le physique de son héros. Lyra savait qu’en dessous d’une apparence se cachait une légende, une légende qui la faisait vibrer. Ces histoires au quotidien nourrissaient son amour pour le héros de Gefängnis.

Elle avait avancé dans le désert quand elle vu, au loin, son héros se dresser face à elle. Là-bas, il surplombait tout : les sables ne l’atteignaient pas, il était droit, impassible et beau face aux bourrasques du Quartier Est. Lyra s’arrêta pour contempler la scène, magnifique tableau se dessinant sous ses yeux d’adoratrice. Oui, Lyra adorait Amsel et ses contes. Ainsi elle marcha vers sa statue lentement, savourant chaque seconde de ce moment et chaque bourrasque de vent qui la faisait trembler.

Le silence régnait là ; juste le son des vents, le chant des rafales qui sifflaient se faisaient entendre dans ce désert infini. Elle posa sa main sur la statue, plus précisément sur le pied d’Amsel : il était chaud. Lyra savait que c’était le soleil qui réchauffait la pierre. Mais elle aurait pu croire que sous cette statue se cachait un homme bien vivant qui aurait été recouvert par la pierre ou le sable.

Elle leva les yeux, la tête, contempla  le corps de cet homme qui avait sauvé son monde. Elle ne disait rien – car, le silence devait demeurer d’après elle, elle scrutait simplement l’homme qu’elle aimait. Elle prit même du recul pour mieux admirer son corps en entier et voir son visage et ses mains. Car dans les mains d’Amsel se dressaient un soleil et une lune. Lyra ne connaissait pas, elle en avait entendu parler. Lyra connaissait uniquement le Solarium et sa forte lumière encagée. Lyra rêvait parfois du monde où il y avait un soleil le jour, et une lune la nuit. Ici-bas, Lyra ne savait pas : quand était la nuit, et quand était le jour ? Oh, non, Lyra parfois se demandait quand le Solarium s’éteindrait pour laisser place à l’obscurité de la nuit, ou, au contraire, quand s’éclairerait-il pour réchauffer la prison. Parfois, elle avait peur qu’il s’éteigne soudainement. Là, elle en avait peur. Lyra était dans un désert aride. Lyra était seule – avec son héros. Mais que ferait Lyra, si jamais la nuit tombait ? Oui, Lyra voulait un soleil et une lune bienveillants.

Elle sorti de son sac un cône d’encens qu’elle alluma et posa dans un petit pot en verre transparent. Bientôt, l’odorante fumée aura envahi l’espace et ira bercer cet endroit d’un effluve agréable : Lyra avait pris celui qu’ils faisaient brûler à la Maison, et elle l’aimait. Chaque émanation lui rappelait un moment ou un souvenir, souvent lié à Amsel. Elle observait les alentours de la statue : les offrandes étaient rares, il n’en restait que quelques fragments abandonnés, certainement détruits par les vents qui hantaient cet endroit, et peu de gens sûrement bravaient le désert pour venir y déposer quelque chose. Mais Lyra était rassurée de voir qu’elle n’était pas la seule à faire du héros un mythe, bien qu’elle savait qu’Amsel était dans le cœur de beaucoup des prisonniers.

Elle sorti de son sac un ancien tissu qu’elle mouilla légèrement avant de boire une gorgée de sa bouteille : comme toujours, Lyra prendrait soin de l’artefact. Elle commença à retirer des morceaux de cire collée et frotta les traces qu’ils avaient pu laissés : Lyra voulait que tout soit parfait, à l’image de son héros. Lyra voulait, par quelques gestes, rendre quelque chose à celui qui avait sauvé son monde du désastre.