Tout était si bien ce soir-là. Tout était à la fois si trouble, si troublant. Abschaum avait cette drôle d'impression, celle de ne pas être tout à fait la même que d'ordinaire et pourtant, elle se sentait si bien ainsi. Légèrement perturbée, elle n'était pas non plus très inquiète. Tout était clair dans son esprit, elle se souvenait parfaitement du début de sa soirée. Elle sirotait quelques boissons à la taverne, se chamaillant au passage avec d'autres clients et la rabrouant autant que faire se pouvait. Et puis, alors même qu'elle prenait ouvertement son pied dans un de ces querelles, quelque chose s'était produit.
Quelque chose avait changé.

Cela avait été tout aussi bref que soudain et cependant, tout le monde avait pu s'en rendre compte. De son regard et jusqu'à son sourire, tout en elle avait évolué en un simplement claquement de doigts, sans progression, presque avec violence. Là où le monde un instant plutôt lui paraissait fade et sombre, il était devenu plaisant et coloré. Instantanément, elle avait eu cette envie de goûter à la vie comme jamais encore Abschaum ne l'avait fait. Dans la simplicité et le bonheur, dans le désir de partager. Elle voulait se mouvoir dans ce monde merveilleusement beau et idyllique.

C'était dans cette vision d'un monde étrangement devenu parfait qu'elle avait quitté les lieux. Tout guillerette qu'elle était avec ses cheveux aux vents et sa robe tournoyante, elle chantonnait sur le chemin. Devant ses eaux, elle s'était dévêtue sans aucune honte, comme à son habitude cette fois-ci. Elle avait nagé et nagé, toujours souriante. Toujours fredonnante. Elle tourbillonnait sans cesse, emprunte d'une joie presque céleste et c'était là qu'elle l'avait vu. Elle se doutait plus ou moins de qui elle était, mais à dire vrai, elle s'en fichait. Elle lui avait saisi les mains et l'avait entraînée dans une danse.

« C'est si rare d'avoir de la compagnie ici ! Cela me rend si heureuse ! »