Réputation« Elle n'existe pas, c'est une légende ! Même dans un endroit pareil, telle monstruosité ne pourrait vivre », affirme avec aplomb le perdu qui, déjà, croit avoir tout vu de Gefängnis. Bienheureux ignorant ne sait pas que la monstruosité existe. Elle traîne sa difformité dans les sentiers de cuivre et pour se faire peur, les enfants se racontent la fois ou ils ont entendu des grincements métalliques tout proches, bientôt suivis de l'éclat rouge d'un globe seul flottant dans la nuit.
QuestionnaireDe quelle caractéristique physique as-tu écopé en tant que Chimère ? ─ Cling cling – gzz font les pas. Trop rapides pour être ceux d'un homme, trop lourds pour un animal. Grincent et claquent deux par deux ou par mille : la créature peut se tenir debout – ou ramper. Au sol, ses mandibule furètent à la recherche d'une subsistance ou s'agitent dans le vide, perpétuellement en mouvements nerveux et hachés, comme les allers et retours de son unique globe oculaire vivant. Toutes les craintes et les angoisses semblent s'y être rassemblées tandis que le second contemple, inexpressif, une vacuité infinie. Ici et là ont été posés des pans de peau couverts de cicatrices et entre les os de métal, on ne saurait dire quel genre d'organes battent. Peut-être ceux-là sont-ils bien humains.
As-tu déjà eu affaire aux Rafleurs ? ─ « J'existe, j'existe ! », affirment désespérément les humains avec chacune de leurs actions. L'incrédulité salvatrice face à leur propre légende ne leur viendrait pas à l'esprit. Mais être un conte à dormir debout, c'est toujours mieux pour le monstre qui représenterait le plus répulsif – et le plus grandiose ! – des trophées de chasse. Certains rafleurs affirment l'avoir aperçu traversant la forêt de cuivre, furtif comme un cafard. Peu d'entre eux sont certains, beaucoup rêvent de brandir l'abominable tête au bout de leur bras.
Vis-tu plutôt caché ou ouvertement ? ─ Les feux des projecteurs, les rires et les exclamations des spectateurs – un rêve de reconnaissance. Mais quand la cible de tous les regards opère un numéro sans conviction, l'enthousiasme retombe. Le public s'agite, mal à l'aise, ne sachant quelle attitude adopter face au pathétique de la situation. Il suffit souvent d'un petit leader agité pour dicter la suite : huées impitoyables ou quolibets ravis marquent le passage au numéro suivant – une bête de foire qui connaît son travail, enfin. Depuis, la créature a déserté la scène et se terre dans la forêt de cuivre, jamais trop longtemps au même endroit. Quant à ceux qui étaient venus l'admirer au cirque, ils ne sauraient jurer désormais de son existence : la chose était si étrange et innommable, peut-être s'agissait-il d'un costume ? Quelque part, ils le souhaitent.
Réussis-tu à exercer un métier ? ─ Cruelle question à lui poser.
Que penses-tu de la monarchie des Maîtres, du bellicisme des Rafleurs, de la persécution des Chimères et des aspirations des Rêveurs ? ─ Sans éducation, sans relations, ne restent que les apprentissages du quotidien. Et qu'est-ce que le quotidien a pu lui enseigner sinon que l'autre est une menace ? Maîtres, rafleurs, du pareil au même. Des catégories et des personnes notables, elle ne sait que les bruits entendus ici et là. Quelques rencontres pourtant viennent dépoussiérer ses idées simplistes : un acte de gentillesse, ou la protection de la plus brave des chimères, ne sont rien de moins que révolutionnaires en la situation. La révolution... quelle étrange concept ! Hors de portée, pas encore séduisant. Franchement terrifiant. Mais déjà, si fascinant.
Profil psychologique Paradoxe et conditionnement sont les piliers de l'esprit de notre chimère. Sous l'esthétique horrifique, une déconcertante douceur – la voix est faible, les geste exagérément précautionneux. Dans son œil normal, la peur a fait son nid depuis longtemps. Derrière toute la méfiance et la ressource qui ont permis sa survie, le credo réside dans le retrait, jamais dans l'offensive. Ses membres meurtriers n'ont jamais été regardés par elle comme des armes ; là où sa malédiction aurait pu être l'outil de sa rébellion, la honte accumulée dès l'éveil de sa conscience lui interdit tout sens de l'initiative. Mais le désir de susciter l'approbation chez quelqu'un – chez n'importe qui – a enflé en elle comme la tumeur de son son désespoir permanent. En ce sens, une loyauté zélée pourrait aisément être déclenchée chez elle ; et alors, pour qui a une cause à défendre, la créature pourrait révéler quelqu'attrait : si elle-même n'a pas su voir ses armes, d'autres pourraient être capable de les exploiter à sa place. Dans ses rêves uniquement tissés d'un peu de paix et de repos, Koleos se prend à se demander si une telle situation serait satisfaisante, ou si la torture exercée par le sentiment de n'avoir pas mérité de tels privilèges serait plus forte.
Biographie
Histoire
I. Premier souvenir
Ce garçon-là était le plus bravache de tout le petit groupe. Quand certains se cachaient les yeux à la vue des monstres qui se mouvaient derrière les barreaux, lui riait de ces aberrations vivantes. Ses camarades le regardaient, les yeux écarquillés, s'en approcher sans afficher la moindre crainte. Arrivé devant la dernière cage, l'enfant poussa la témérité jusqu'à prendre les barreaux entre ses petites mains. Il fixa la chose dissimulée dans l'ombre.
«Hé, toi. Comment tu t'appelles ?»
La fillette ne réagit pas tout de suite. Elle leva doucement la tête. Elle écarta lentement un de ses bras difformes et ouvrit de grands yeux. À qui parlait-il ? Est-ce que quelqu'un s'adressait... à elle ? Elle s'avança de quelques centimètres, et la lumière artificielle vint éclairer son orbite rouge. Un enfant, de l'autre côté des barreaux, frissonna. Elle ne le remarqua pas, focalisée sur le garçon qui ne la quittait pas des yeux. Elle, la bête de foire. La surprise passée, la petite se mit à réfléchir. Comment s'appelait-elle ? Monsieur Le Directeur la présentait comme l'insecte humanoïde, le cafard à taille humaine, mais ce n'étaient pas des noms ça, hein ? Le silence se prolongeait. Vite, vite, un nom...
«-J-je... m'appelle Colène..., balbutia-t-elle, à peine audible. Il lui semblait avoir entendu quelqu'un se faire appeler ainsi, un jour – ou bien était-ce Colleen ?
-Col... è ? Elle s'appelle Colè ! C'est pas un nom ça !» Il éclata de rire. Rassurés par l'hésitation du monstre, les autres enfants se joignirent à lui. «Colè ! N'importe quoi !»
La petite tressaillit. Son cœur accéléra et quelque chose dans sa gorge l'empêcha de rectifier le jeune présomptueux. Elle recula dans l'ombre, tremblante, et se recroquevilla à nouveau alors que la répulsion habituelle des uns se mêlait aux moqueries impitoyables des autres. Elle se recroquevilla et ne sentit pas qu'une pointe de métal s'enfonçait dans sa chair, là où l'armature ne pouvait rester insensible aux agressions extérieures, là où le sang s'était doucement mis à couler.
II. Look inside, you only recognize your own breed.
Elle s'est encore coupée. Quelle chieuse cette gamine. À croire qu'elle le fait exprès. Le doc lui a foutu un bandage de plus et je vous jure, comme ça, avec toutes ses plaies, on croirait voir une victime de maltraitances. Pas bon pour les affaires. Heureusement qu'elle n'est pas du genre à attirer la compassion des spectateurs, celle-là.
Quelques fois je me demande si j'aurais pas dû la laisser crever, là où je l'ai trouvée, dans le refuge. Ils m'appellent chaque fois qu'ils tombent sur un gosse abandonné qui a l'allure d'un monstre, mais je tiens un cirque moi, pas une pouponnière ! 'Fin soyons justes, elle, elle a du potentiel dans le milieu. Les clients qui viennent pour se faire peur sont comblés, croyez-moi ; un jour, une dame a carrément dégobillé en la voyant. Mais merde, elle y met une sacrée mauvaise volonté. Avec sa gueule de coléoptère, elle pourrait faire des représentations de folie, qui attireraient les gens de tout Close ! Sauf que la bestiole reste prostrée dans un coin de la scène, et quand on la pousse au milieu, quand la lumière l'aveugle, elle reste les bras – si j'peux dire – ballants. Des fois on croirait qu'elle a envie de pleurer. Je la comprends pas. Combien de fois j'ai été tenté de lui en mettre une pour l'obliger à se mettre au travail ? Sûr que ça donnerait des résultats, comme pour tous les autres. Mais elle, j'y arrive pas... N'allez pas croire qu'elle m'attendrisse – absurde, elle n'est même pas humaine. Seulement vous savez, j'ai beau côtoyer un tas de monstres ici, la voir comme ça, un œil baissé et l'autre toujours grand ouvert, avec ses mandibules qui pendent piteusement... Dix ans après l'avoir récupérée, ça me révulse toujours autant.
III. I would lick your exit wounds...
Il criait. Fort. Plus fort que d'habitude. Elle ne voulait plus aller sur scène. De son œil à l'apparence humaine s'écoulait un flot de larmes. Et plus elle avait peur, plus il criait.
Et plus elle avait peur, moins elle se contrôlait.
Il la surplombait de toute son agressivité et subitement, elle s'était levée, aveuglée par les larmes, l'incompréhension, et une sorte de rage nouvelle qui la dépouillait de ses moyens. Le Directeur ne s'attendait pas à ce qu'elle agisse ainsi. Ça ne lui ressemblait pas. Il cessa un instant de hurler et recula un peu – pas assez.
Désorientée, elle voulait seulement fuir de ces cris, se frayer un chemin au milieu de lui et des employés qui la regardaient tous subir une centième humiliation. Elle voulait seulement se frayer un chemin. Alors elle avait déployé un de ses bras métalliques qui, violemment, avait atteint le cou du Directeur. Lui, ses yeux s'étaient révulsés. Il avait porté ses mains là où le bras piqueté de griffes de métal l'avait frappé. Elle s'était mise à courir, succédée de cris qui couvrirent le bruit que fit le corps du Directeur en s'affaissant.
Les grilles qui défilent. La cour, la rumeur qui se propage, les gens qui la regardent sans savoir comment réagir. Son cœur qu'elle croit vomir et ses poumons qui refusent de s'emplir à nouveau, et le portail grand ouvert en cette fin d'après-midi.
Elle ne voyait pas les rues inconnues qu'elle traversait sous les yeux choqués des passants, ces rues à proximité desquelles elle avait toujours vécu, dont elle ne connaissait pas les noms. Ses sanglots avaient repris de plus belle, elle était éreintée, elle était...
Elle tomba au pied d'un arbre orangé comme elle en avait vu tant depuis qu'elle avait pénétré dans cette étrange forêt. Reprendre son souffle lui était douloureux. Pourrait-on la retrouver, ici ? Elle pleura longtemps, avant de s'assoupir d'épuisement.
IV. What could be better than this alibi – this feeling that I wouldn't care if I was dead?
C'était différent. Elle qui n'avait été jusqu'ici que la marionnette de Monsieur, elle agissait selon sa volonté propre. C'était étrange.
Bien sûr, il avait fallu un temps d'adaptation. Les premiers jours, elle s'était laissée dépérir, angoissée, torturée, coupable d'avoir blessé (à mort ? elle fermait les yeux et refusait d'y songer) celui qui l'avait élevée durant quatorze ans. Elle devait être à lui, par reconnaissance, mais elle s'était montrée ingrate. Elle ne l'avait pas fait exprès. C'était de sa faute. Elle n'avait jamais voulu... Elle lui avait tranché la gorge.
Puis elle s'était haïe plus que jamais, avait abhorré cette armature de métal qui, alors qu'elle semblait presque à sa place au milieu du cirque, avait fait de ses excursions hors de la forêt rougeoyante de véritables épreuves. Elle croyait la population familière des difformités, des êtres contre nature qu'elle côtoyait ici, elle croyait qu'ils savaient à quoi s'attendre comme les spectateurs qui se délectaient de leurs horreurs. On lui avait fait comprendre qu'il n'en était rien ; on lui avait fait saisir que le monstre n'était pas qu'un rôle qu'elle devait endosser à chaque représentation. Chaque regard qui tombait malencontreusement sur elle le lui disait : la monstruosité n'était pas un rôle. C'était sa nature.
Mais on le sait, l'instinct de survie est une chose fabuleuse. Et humaine ou pas, puisque tous les êtres vivants en sont pourvus, la jeune fille ne devait échapper à la règle. Très vite, elle devint familière des feuilles tranchantes qu'il fallait éviter et des fruits au haut des arbres, pour lesquels ses membres qui lui permirent, avec un peu d'exercice, de grimper aisément devinrent pour la première fois des alliés. Quand ce ne fut plus suffisant, elle se tourna vers les animaux ; et si la tâche fut plus ardue, elle ne lui posa guère plus de difficultés après quelques temps. Quant aux dangers plus humains qui se croisaient dans la forêt, elle avait développé cette sorte de sixième sens qui permet aux chasseurs comme aux proies de survivre : elle épiait du haut des arbres, là où on ne songeait à regarder, insecte parmi d'autres dissimulé entre les feuilles.
Il ne fallait pas être un as de la déduction pour comprendre qu'étant un monstre, on chercherait à l'éradiquer. Pourtant, jamais plus elle ne blessa pour se protéger. La fuite reste aujourd'hui encore sa défense privilégiée. Jusqu'au jour où, peut-être, un inconscient la poussera à nouveau dans ses retranchements.
V. Première perspective
Trois ans ont passé depuis sa fuite. De plus en plus, la chimère – dont le nom incertain s'était, au fil des déformations, mué en Koleos - s'aventure hors de son refuge d'arbres et de métal. Quelques rares rencontres se sont approfondies, ses connaissances se sont développées. Aujourd'hui, il y a probablement quelque chose à tirer de ces nouveaux éléments. Quelques fois, elle se prend à songer qu'elle voudrait n'être plus seule, ni vide, ni inutile. Peut-être serait-il temps d'agir au-delà de l'instinct, de se forger des convictions. Peut-être les convictions seraient-elles si puissantes qu'elles lui permettraient, pour la première fois, d'appartenir à un groupe.
Car si on lui disait ce qu'il faut faire... Oui, elle saurait se transformer en une alliée aussi docile qu'efficace.
Koleos
Chimère
Feuille de personnage ÂGE: Dix-huit ans. OCCUPATION : La fuite. ADHÉSION : Aucune.
J'adore toujours autant ta façon d'écrire! Koleos est parfaite, pauvre choupinette. Tout est en ordre, je te valide!
Félicitation ! Pour ta validation, tu reçois 10 Gelds, 1 Haut-Fait et une Souricette afin de t'aider à survivre à Gefängnis. Tu peux maintenant aller t'aventurer au cœur de la prison à tes risques et périls. Pense à créer ta fiche de relations, ton inventaire et ton compte-rendu d'objectifs, qui t'aideront à gérer ton personnage.