Histoire
C'est de ta faute.
Non.
C'est de ta faute.
Non...
C'EST DE TA FAUTE.
Tu te souviens de cette fille ? De ses airs perdus qui lui donnait un charme absolument adorable. Tu te souviens de cette fille ? Le timbre doux de sa voix, la voix trop basse qu'elle avait lorsqu'on lui parlait, cette brise tiède qui venait s'échouer au creux de tes oreilles. Tu t'en rappelles, jamais tu ne l'oublieras. Dans ce cas, pourquoi tu ne souviens pas de ses regards de détresse qu'elle te lançait ? Quand ses yeux marrons trop sombre à ton goût maintenant rencontrait tes iris bleues glacées. Quand toute son âme hurlait sa tristesse dans un silence apocalyptique. Elle t'appelait, elle voulait ton aide. Mais toi, tu ne l'entendais pas. Tu es sourde ou bien aveugle. Ou bien les deux, qui sait ? Pauvre conne. À cause de ton insouciance elle est partie et maintenant tu la vois partout. Bizarre n'est-ce pas ? Pourquoi tu devrais voir une personne morte partout ?
Parce qu'elle est toi.
Et toi t'es elle.
Peu importe ton choix.
Vous restez jumelles.
###
Comparée à sa sœur, Laureen était une enfant calme. Sérieuse et réfléchis elle savait faire preuve de beaucoup de maturité à un jeune âge. Heureusement d'ailleurs, cela lui avait permit de sauvé plus d'une fois Cloud des grosses punitions lorsque celle-ci s'apprêtait à faire une bêtise. Laureen était une jeune fille particulièrement attendrissante, elle prenait soins des autres, pas seulement sa sœur mais des autres en général. Elle était gentille Laureen, elle était douce Laureen. C'est comme ça que Cloud vous la décrirait. Toujours là pour sa sœur, Laureen n'hésitait pas à se faire passer pour elle lorsque la petite était sur le point de se faire gronder. Manque de chance, ça ne marchait jamais. Bien sûr que les deux gamines se ressemblaient comme deux gouttes d'eau cela dit, Laureen avait les yeux marrons et Cloud les yeux bleus. Détail trop important pour les différencier. Tant pis, elle essayait quand même, il s'agissait de sa sœur malgré tout.
Laureen aimait Cloud par dessus tout. Lorsqu'elles étaient jeunes, elles passaient tout leur temps ensemble. Se séparant quelques minutes par jour si besoin, main dans la main, les deux gamines étaient inséparables. On disait qu'un lien fort les unissait. C'était une grosse connerie, mais ça elles ne le sauront que plus tard. Pour le moment elles étaient des gamines, rien de plus normale, gamines normales provenant d'une famille normale. Un père employé de bureau, une mère professeur de littérature étrangère. Une famille banale au point d'en être ennuyante. Il n'y avait rien à redire dessus, vraiment rien. Pourtant Laureen se plaisait au sein de cette famille, elle aimait son père, elle aimait sa mère. Elle aimait Cloud.
Et elle pensait ça serait comme ça pour toujours. Arrivée à mi-chemin de l'école primaire, tout changea. L'enfant qu'était Cloud commençait à changer, devenant peu à peu adolescente. Cherchant une certaine liberté, Cloud prit du recul vis-à-vis de sa sœur, l'ignorant parfois lorsqu'elles étaient à l'école. Cloud n'eut aucune difficultés à se faire des amis que Laureen ne connaissait pas. Effet de poignard dans la poitrine qui se dissipait à la fin des cours, Cloud l'attendait à chaque fois à la sortie de l'école. Elles n'étaient plus dans la même classe depuis un bon moment, mais ce n'était qu'un détail. La jeune fille racontait toujours sa journée en détail à Laureen, comme si, malgré le fait qu'elle ne soit pas là, elle se devait de savoir.
Ça ne faisait que trop plaisir à la gamine.
###
Laureen ne croyait pas vraiment en l'amitié. Certes, elle appréciait se trouver en compagnie de ses amies mais elle savait parfaitement que sa relation avec elles n'irait pas plus loin que des conversations aléatoires sans grande importance. Laureen avait douze ans et elle ne s'imaginait pas du tout se confier à ses camarades. Elle avait Cloud de toute façon, donc elle s'en fichait. Dans un an elle terminerait sa primaire - sous le système scolaire norvégien l'école primaire se termine bien à treize ans - et ... Elle s'en fichait en fait. Avec le temps, Laureen s'était bien rendu compte d'une chose : à part les gens lorsqu'elle les appréciait et sa famille, elle ne s'intéressait pas vraiment à grand chose. Elle restait attentive en cours parce qu'il le fallait, elle lisait des livres parce qu'il le fallait, elle travaillait chez elle parce qu'il le fallait. Laureen, comparée à sa sœur, était une excellente élève. Bien sûr Cloud s'en sortait bien aussi mais pas aussi brillamment que sa sœur. Pour tout dire, Cloud ne se préoccupait pas vraiment des cours, elle était ce genre de fille à venir à l'école pour voir ses amies.
Cloud n'était pas spécialement populaire mais elle n'était pas une fille inexistante. On entendait vaguement son nom au sein de l'établissement et son image semblait positive. Elle est sympa, comme le dirait les autres. Ils ne savaient pas, ils la jugeaient sans la connaître et même s'ils disaient du bon. Laureen, elle, avait la réputation de "la jumelle de Cloud" ou à la limite intello de sa classe, si la plupart de ses camarades venaient lui parler pendant les pauses, c'étaient bien pour le travail. En réalité Laureen n'avait que deux ou trois « vraies » amies. Des filles toutes aussi inconnues qu'elle, mais bon, elle s'en fichait. Puis qu'elle avait Cloud.
Des fois, elle partait dormir chez des amies et dans ces moments-là, Laureen se sentait terriblement seule. Bien sûr qu'elle entretenait toujours une bonne relation avec sa sœur ! Elle continuait toujours de lui parler de ses journées palpitantes, lui faisant part de tous les secrets qu'elle savait, secrets qui ne tardaient pas à devenir rumeur au sein de l'établissement qu'elles fréquentaient. Mine de rien, Cloud était au courant de beaucoup de chose avant tout le monde. Les gens lui faisaient confiance. Ils avaient raison, Cloud est une fille géniale malgré tout. Laureen aurait pu aisément être jalouse d'elle, sa sœur brillait sous les projecteurs alors que l'autre n'était que son ombre,
son reflet dans un miroir. Mais non, pour tout dire, le bonheur de sa sœur faisait le sien. Elle l'aimait vraiment oui, voir trop. N'est-ce pas Cloud ?
###
Toujours pas dans la même classe. Les jumelles se trouvaient maintenant au collège. Suite à un déménagement elles intégrèrent un établissement totalement différente du reste des élèves de leur école primaire. Cloud y voyait une réputation à rebâtir. Laureen y voyait un nouveau départ. Avec un peu de chance, elles seront dans la même classe pensa-t-elle. La déception l'envahit lorsqu'elle vit leur nom inscrit sur deux listes différentes. Tant pis, elle était là pour travailler après tout. Sa sœur réussi à se faire de nouveaux très rapidement, c'était dans sa nature, elle était sociable Cloud, souriante, ouverte à tout le monde. On « l'aimait » pour ça, Cloud. Laureen l'aimait pour ça aussi.
Dans ce cas pourquoi tout se passait différemment chez elle ? Elle ne se le demandait pas, bien entendu, mais elle qui était pourtant si gentille, si douce, si attentionnée. Elle qui essayait vainement de prendre la place de sa sœur lorsqu'elle se faisait gronder, elle qui la retenait toujours lorsqu'il fallait. Elle qui lui portait autant d'amour que le porte le monde entier envers leur enfants. Les choses étaient tellement différente pour Laureen. De nature réservé la jeune fille n'avait pas tenté de se mêler à ses nouveaux camarades de classes, certains étaient allés à sa rencontre sans le moindre succès. Laureen parlait à peine, elle répondait en souriant mais ne montrait aucun réel intérêt envers les personnes qui lui adressait la parole. Et ces personnes n'apprécièrent pas vraiment ce comportement. Vite isolée du reste de la classe, Laureen se vit subir les foudres de ses camarades. Passant de simple inconnue à bouc-émissaire. Ce n'était pas grave, tant qu'il y avait Cloud. Elle en parlerait à Cloud et tout ira mieux.
« Ne t'inquiète pas, ça va pas durer longtemps, après tu vas avoir pleins d'amis ! » Paroles douces et réconfortantes de sa sœur qui lui donnait le courage de retourner en cours le lendemain. Elle devait juste être patiente avec le reste de ses camarade. Au cours des deux mois suivant on lui vola ses affaires, déchira deux fois ses cahiers de cours, ruina ses vêtements pendant les cours de sport et encore, je ne parle pas des insultes verbales.
Intello de merde, pauvre conne, t'es vraiment trop bizarre, salut tu sais c'est quoi parler à quelqu'un, paumée va et j'en passe. Laureen supportait mal ce quotidien, elle avait confiance en Cloud cependant elle ne tiendrait pas très longtemps dans cette situation. On la voulait en pleur, on la voulait tremblante, on la voulait détruite. Les cernes se creusaient sur son visage de poupées, les cauchemars la hantaient et ses yeux marrons clairs se ternissaient et s'assombrissaient. Pourtant lorsqu'elle apercevait sa sœur son teint pâle reprenait un peu de sa couleur tandis qu'une faible lumière venait éclairer son regard. Il lui restait Cloud. Oui, elle allait lui en parler et tout ira mieux.
« .... Je sais vraiment pas quoi faire je- » Elle esquivait son regard, elle discernait dans ses paroles un sentiment de malaise. Cette situation la gênait, pour Laureen mais aussi pour elle. Cloud ne se pas voyait se mettre à l'encontre d'une classe entière parce que ... Sa réputation. Le goût de la trahison était amer. Laureen s'en rappelle bien de ça. Détruit, son monde entier était détruit. Cloud l'avait fait, en quelques mots. Cloud, cette fille qu'aimait tant Laureen, sa petite Cloud, son univers à elle, la raison pour laquelle elle vivait si j'ose dire. Bim. Bam. Cloud n'avait même pas cherché à l'aider. Ses yeux bleus ne la fixaient même pas. Elle passait une main dans ses cheveux de temps à autre. Une main tremblante et impatiente. Elle voulait partir. L'envie de pleurer ne tarda pas à envahir l'esprit de Laureen, elle se sentait si faible, elle sentait si mal. Elle avait la nausée.
Finalement Cloud quitta la pièce et Laureen fondit en larmes.
###
Plus rien n'était comme avant. Ni Cloud, ni Laureen. Son quotidien devenait cauchemar, dormir était une torture, se réveiller l'était aussi. Laureen n'avait plus aucun endroit où se réfugier. Elle n'en pouvait plus de tout ça, la solitude lui donnait envie de vomir. Et les gens en riaient de ça, oh oui ils étaient heureux les gens de sa classe. Regardez comment elle a peur, regardez comme elle fait moins la maline. C'est drôle hein, c'est drôle. Laureen n'aimait pas ça, elle n'aimait pas la pitié qu'il y avait dans le regard de Cloud. Ne t'inquiète pas Cloud, tout va bien, tout va bien ... Pitoyable mensonge. Pourquoi elle se forcerait à lui sourire encore, pourquoi ... Si elle craque c'est de sa faute. De son entière faute. Elle était sa lumière, l'épaule sur laquelle se reposer, ses deux bras tendu, son échappatoire. Sa lueur d'espoir.
Brisée d'un coup. Elle allait payée.
###
Cloud s’inquiétait vaguement pour sa sœur actuellement. La fin des cours avait eu lieu il y a maintenant vingt minutes, tout le monde était parti et les derniers professeurs avaient quittés l'établissement. Personne n'aurait vu Laureen apparemment. Impatiente, l'adolescente se dirigea dans l'enceinte de l'établissement, peut-être était-elle restée à la bibliothèque. Faux. La jeune fille savait que sa sœur n'était pas vraiment dans son assiette actuellement mais tout avait une fin, n'est-ce pas ? Elle devait juste se montrer un peu plus patiente et tout ira mieux ! Quelle niaise tu fais Cloud. Mais elle y croyait vraiment, malgré tout. Au bout d'une bonne dizaine de minutes, Cloud finit par trouvé sa sœur en plein milieu d'un couloir.
« Laureen ! » L’interpellée se retourna avec un regard noir.
« Il se fait tard Laureen, rentrons à la maison. »
« — Pourquoi ? »
« — Parce qu'il va faire nuit bientôt ... ? »
« — Et ? »
« — ... Et si te ne rentres pas tu risques de tomber malade puis- »
« — Tu t'inquiètes ? »
« — Évidemment t'es ma sœur je te signale ! »
« — TE FOUS PAS DE MA GUEULE. »
Cloud se crispa d'un coup sec. Laureen devenait méconnaissable sous ses traits déformés, le teint maladif lui donnait des airs de zombie, les grosses poches sous ses yeux lui faisait ressembler à une sorte de psychopathe sanguinaire et son regard noir devait appartenir à quelqu'un d'autre. La personne qui se tenait en face de Cloud n'était
pas Laureen. Reculant de deux petits pas, Cloud leva faiblement ses mains au niveau de sa poitrine comme si elle faisait signe à sa sœur de se calmer.
« Dis, Cloud, tu sais ce que ça fait, de se faire insulter à longueur de journée ? »
« — N-non... ? »
« — Tu sais ce que ça fait quand tu te fais haïr par une vingtaine de personne ? »
« — Non ... »
« — Tu sais ce que ça fait quand la personne à qui tu tiens le plus au monde te trahit en moins de cinq secondes ? »
« — ... Non. »
Silence angoissant. Une sueur froide coule le long de la tempe de Cloud. Ses jambes tremblaient, elle perdait l'équilibre sans vraiment savoir pourquoi. Est-ce qu'elle avait peur ? Sûrement. Cela dit, un autre sentiment venait s'ajouter au mélange : l'incompréhension. Evidemment, pourquoi Laureen restait-elle ici à une telle heure ? Peut-être qu'elle serait partie si Cloud ne serait pas allée à sa recherche mais .... Mais voilà. La jeune fille s’inquiétait pour sa sœur, vraiment. Elle ne savait pas pourquoi elle agissait ainsi ni ce qui lui était arrivé. L'accumulation de l'angoisse et des cauchemars s'exprimait librement sur son beau visage, le mutilant un peu plus chaque seconde.
« — Cloud, tu sais, tout ce qui m'arrive. C'est de ta faute, tout est de ta faute. »
« — J-hein ? »
Les larmes coulaient le long des joues pâles de Laureen, dans son regard une tristesse infinie. Ce sentiment de solitude l'écrasait à présent elle ne pouvait le supporter plus longtemps. Et pourtant, Cloud pouvait voir encore autre chose dans les yeux sombres de sa sœur. De la haine. Ça lui fit froid dans le dos, elle recula de nouveau.
« — Tu sais quoi ? Je regrette. Je regrette terriblement de t'avoir aidé dans le passée. Je regrette amèrement chaque jour où je t'ai aimé. »
Cloud resta muette, elle se mit à pleurer à son tour, profondément blesser par les paroles de sa jumelle. Putain, putain, putain. Elle avait raison, tout ceci est de sa faute. Silencieusement, Laureen passa la main dans son sac de cours, elle en sortit au bout d'un certain moment un cutter. La jeune fille se figea à la vue de la lame. Qu'est-ce qu'elle comptait faire putain ?
« — J'en ai marre de tout ça, par ta faute. »
Sa voix tremblait tandis qu'elle pointait le cutter au niveau de son cou. Qu'est-ce qu'elle comptait faire ? Non ... Pas besoin de poser la question, elle le savait après tout, ce qu'il allait se passer. Elle faisait juste semblant de ne pas s'en rendre compte.
« — Soit maudite Cloud. »
Coup de cutter dans la trachée,
Couverture vermeille s'étalant sur le sol.
Tu ne sais que faire, tu essaies de l'empêcher
Et dans ses dernières paroles,
Elle te maudit encore.
###
Le lit de l'hôpital était désagréable. Le grincement des ressorts lui faisait mal aux oreilles et le blanc de la pièce attaquait trop violemment ses yeux. Que cette infirmière la laisse en paix, elle ne voulait pas de ses paroles qui se voulaient être rassurante. Elle n'avait pas besoin qu'on lui passe une main protectrice dans les cheveux. Arrêtez de faire semblant, arrêtez ça ne sert à rien. Ramenez sa sœur et peut-être qu'elle changera d'avis.
Silencieuse depuis deux jours, refusant de dormir et de manger, on avait retrouvé Cloud face au cadavre ensanglanté de sa sœur. Elle pleurait, elle hurlait son nom. C'était le témoignage de la femme de ménage qui les avait vu. On avait alors contacté les paroles et on avait ramené les deux adolescentes aux urgences. Cloud n'avait pas parlé à part si c'était pour s'excuser auprès de sa sœur, passant d'un murmure à un hurlement, son état était instable. On avait du lui donner un calmant, après ça elle s'était endormie pour se réveiller dans ce lit. On la jugeait être dans un état proche de la catatonie, muette et inerte, elle bougeait à peine.
Tout était de sa faute, oui, de sa faute.
###
Au bout d'une semaine on autorisa Cloud à quitter l’hôpital, elle avait repris des couleurs, bien sur elle avait beaucoup pleurer mais selon les docteurs elle avait passé l'état de choc. Maintenant ce qui lui fallait c'était du courage, beaucoup de courage. Elle était en bonne voie de se remettre de ce désastre, oui, elle cherchait à surpasser tout ça. Quelques jours après sa sortie, la jeune fille avait mime demandé à retourner en cours. Demande refusée par ses parents. Ah oui, ses parents. Tout aussi touché que leur fille par le drame, perdre un enfant avait été pour eux comme se faire arraché une partie de leur âme. C'est triste n'est-ce pas ? La mère démolie souriait au public, attendant ses moments de solitude pour s'effondrer. Le père se tenait debout par fierté, il ne pleurait pas, par fierté. Tout allait bien se disait-il, tout allait bien. Non rien n'allait, sa fille était morte. Pire que ça encore, elle avait mis elle-même fin à ses jours ? Pourquoi ? Pourquoi avait-elle fait ça ? Pourquoi est-ce qu'il n'avait rien vu ? Était-il un mauvais père ? Non, ça n'avait rien à voir avec lui, ni avec leur mère. Tout ceci restait entre Cloud et Laureen.
Cloud faisait des cauchemars la nuit, la même scène se répétait en boucle, elle entendait la voix de sa sœur.
C'est de ta faute, de ta faute, regarde ce que tu m'as fait. Soit maudite. Elle se réveillait en sursaut, le visage en sueur. Et il y eut une nuit, où elle voulut prendre un verre d'eau de quoi la rafraîchir, éloigné ce cauchemar, non ce souvenir. Elle se dirigea donc en direction de la salle de bain, tasse à la main. Elle rentra dans la pièce et d'un geste automate elle ouvrit l'eau du robinet. L'eau se déversa dans la tasse, reflétant légèrement le visage fatigué de l'adolescente. Ne s'y attardant pas plus longtemps, elle bu l'eau fraîche d'une traite. Posant la tasse sur le bord du lavabo, la vision de la jeune fille devint floue le temps d'une seconde quelques chose était apparu dans le miroir, quelques chose de sombre, indistinct, elle ne savait pas quoi. Elle devait être vraiment crevée. Passant de l'eau sur son visage, Cloud poussa un long soupir avant de se regarder dans le miroir. Elle n'y voyait que son reflet dans un premier puis, alors que les secondes défilaient, elle vit la couleur de ses yeux s’assombrirent passant du bleu clair habituel à ce marron presque noir. Et au cours de ses secondes, son reflet devint quelqu'un d'autre. Laureen.
C'est de ta faute, de ta faute.
Pardon, pardon, pardon, pardon, pardon. Un hurlement strident résonna dans la demeure, les excuses affluèrent dans le vide, l'horreur s'ancrait sur le visage de l'adolescente alors que son reflet restait immobile.
Tu es morte, tu es morte, tu es morte. Cloud essayait de faire face, Laureen ne pouvait pas être là, elle était morte.
Par ta faute, oui. Un poing s'écrasa contre la glace, puis un autre, frappant de toute ses forces contre le verre Cloud tentait de briser le miroir. Les éclats se plantaient dans poing ou volaient avec violence écorchant parfois ses bras, ses jambes, tout ce que vous voulez. Le bruit ne tarda pas à réveiller ses parents. Ne comprenant pas la situation, ils se chargèrent de calmé leur fille, la ramenant au salon, nettoyant ses plaies, laissant de coté le désordre qu'elle avait crée dans la salle d'eau. Puis elle retourna dans sa chambre, elle voulait dormir, juste dormir. Son regard tomba sur le grand miroir qui était posé à coté de son armoire.
Les soins de ses parents avait été vains.
Elle brisa le miroir à coup de poing.
###
Rien ne s'arrangea les jours qui suivirent. Elle avait beau tout faire, Cloud ne supportait plus la vue d'une simple miroir, les bandages s'étaient accumulés sur ses bras, les plaies à peine cicatrisées s'ouvraient de nouveau, le sang coulait. Et même lorsque elle sentait plus ses mains, elle continuais de frapper. Tout. Elle avait tout fait pour que cela ne se reproduise pas, dissimulant tout les miroirs, elle ne voulait plus ressembler à Laureen, elle ne voulait plus la voir dans ce miroir. Rien à faire, elle la voyait dans son reflet, elle était toujours-là, quelque part la hantant. Et comme si ça ne suffisait pas, elle recommençait à voir des choses. Ces silhouettes floues, à peine humaine, ça empirait de jour en jour. Puis elle a commencé à sentir une odeur. Une terrible odeur, elle ne savait pas comment la décrire, c'était immonde, ça s'intensifiait au fil du temps. Au bout d'un moment cette odeur la fit vomir. Personne d'autre ne pouvait la sentir, est-ce qu'elle devenait folle ? Dite-moi je vous en supplie. Elle en avait marre de ce parfum, du reflet de sa sœur dans le miroir, de ces choses qu'elle voyait.
A l'aide, aidez-moi. Murmurait-elle d'une voix étouffée, elle ne supportait plus l'air. Debout face au dernier miroir encore en bonne, elle contempla sa sœur, pleurant, s'excusant, la voix cassée. Elle crut voir sa sœur rire à ce moment-là, se moquant et répétant toujours la même chose.
C'est de ta faute. Elle tomba.
###
Un vacuum accueilli Cloud à son réveil. Les yeux encore clos, elle sentait le sol étrangement froid contre sa joue, ça ne ressemblait pas à du carrelage, ni à du parquet, non rien de tout ça. Elle posa ses mains sur ce sol, elle connaissait cette sensation, elle l'a connaissait trop. Cloud ouvrit les yeux. Des miroirs, des miroirs, des miroirs. Des miroirs partout, rien d'autre. Elle voyait ce reflet, partout, il n'y avait nul part où se cacher. Demeurant immobiles un moment, l'adolescente agrippa ses cheveux d'une poigne terrorisée. Elle voulut hurler, mais sa voix était étouffée par ces miroirs.
De ta faute. Elle essaya de briser la glace, effort inutile, usant de ses forces pour rien, Cloud finit par s’arrêter, elle ferma les yeux, elle ne voulait plus voir ce spectacle. Une force invisible l'en empêcha. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Elle contempla le reflet de sa sœur morte, elle se serait bien crevée les yeux si elle en avait la force.
Non. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était de rester-là, à regarder ce reflet, jusqu'à en devenir folle.
Ça dura une journée.
###
La respiration erratique, Cloud écarta quelques branches d'arbres. Elle était perdue, dans tous les sens du terme. Depuis combien de temps ? Elle n'en savait rien. Deux mois, environ, la jeune fille avait beaucoup. Elle se trouvait dans une jungle, du moins ça y ressemblait beaucoup. Ignorant totalement comment elle était tombée ici, encore un peu, encore un peu, se murmurait-elle pour elle-même. Cloud était devenue la proie des bêtes sauvage, elle avait bien rencontré quelques passants sur son chemin, des enfoirés de premières présents sur les lieux uniquement pour avoir de la fourrure animale, ou un truc du genre. Armée d'une dent de félin et d'un bâton de bois taillée, Cloud survivait maintenant depuis deux mois dans cet enfer. Et encore, ça lui était bénéfique, sa sœur ne venait plus forcément la hantée et il n'y avait pas l'ombre d'un miroir dans le coin. Encore heureux, sinon elle aurait vite finit folle.
Au début, elle pensait trouver une sortie au bout de quelques jours et les jours passaient et elle tournait en rond. Elle devait se rendre à l'évidence, si elle restait ici quelques semaines de plus, on la retrouverait morte. Déjà qu'elle était obligée de se nourrir d'insecte et autres trucs répugnant, elle détestait la jungle. Mais en vraie enfant sauvage elle devait le supporter. Sauf qu'elle n'était pas une enfant sauvage.
Soupirant, Cloud aperçu le soleil décliné dans le ciel, elle devait se trouver un abris, au plus vite. La nuit en ces lieux est infernale. Elle se mit donc à marcher vers une grotte qu'elle connaissait que trop bien, le seul endroit à peu près sur qu'elle avait réussi à trouver dans le coin et peu importe si elle devait retourner sur ses pas. Vu le stade où les choses avait évolué elle préférait savoir qu'elle se réveillerait le lendemain. Sauf que voilà, les choses ne se passèrent pas exactement comme prévu. Y'avait deux hommes, plus grands et plus âgé qu'elle, en même temps pas dur de faire plus vieux lorsqu'on est une gamine de quinze ans. Ils ressemblaient pas aux rares personnes que Cloud avait croisées jusqu'ici.
Petite, t'es toute seule ? Sans trop comprendre, ils lui avaient proposé de les suivre, qu'elle serait en sécurité.
Cloud n'avait pas hésité. Ce fut comme ça qu'elle rejoint les Rafleurs.